Le pouvoir des larmes

par | J,Mai 2022 | Hypnose | 0 commentaires

Voici un excellent article d’Olivier Peyrega, hypnothérapeute.

 

Bonjour à toutes et tous,

Je tenais aujourd’hui à traiter le sujet du pleur et des larmes dans sa globalité, car en tant que qu’hypnothérapeute, je suis bien évidemment très souvent confronté à ce type d’émotions, ce qui  m’a poussé avec le temps à vouloir comprendre en profondeur ce processus si propre à l’espèce humaine.

Dans cet article,  je vous expliquerais ce que l’on sait aujourd’hui de ce phénomène que chaque être humain expérimentera tout au long de sa vie, de sa composition chimique à son association  avec nos émotions fortes, son pouvoir antalgique, mais aussi dans son rôle cognitif, les larmes n’ont pas fini de dévoiler tous leurs secrets.


Déjà bébé …

Dès les premières secondes de notre existence, l’être humain expérimente  le pleur et les larmes qui peuvent y être associées, le passage d’une vie aquatique à l’oxygène ne se fait pas sans souffrance, les pleurs sont à ce moment précis une réaction totalement naturelle et indispensable, les poumons se déplient, les cordes vocales se libèrent, les larmes, puis l’apaisement, il s’agira d’une des premières expériences émotionnelles de la vie.

 

Pour le nourrisson, le pleur aborde immédiatement un rôle de communication essentiel, nous savons aujourd’hui qu’il existe différents “ types “ de pleurs selon le besoin du nourrisson, les pleurs ne seront pas les mêmes selon les besoins du bébé, un pleur de faim n’est pas un pleur de douleur …

Que les futurs parents se rassurent, cette communication enfant / parent est totalement inscrite dans nos gènes, pas besoin de traducteur pour interpréter un pleur d’alerte de bébé, nous sommes programmés pour les reconnaitre, c’est un instinct qui sera présent chez nombres de mammifères sous la forme de cris propres à chaque espèce.

Mais en grandissant et une fois les bases du langage apprises, le pleur et les larmes garderont un rôle chez l’enfant, le pleur et les larmes peuvent devenir l’expression d’une émotion, mais elle garde également un rôle cognitif, le pleur et les larmes provoquent l’empathie, c’est aussi leurs rôles, les enfants  apprendront également avec le temps à utiliser et simuler ce processus pour provoquer l’empathie et accéder à certaines demandes auprès de leurs parents.

Le pleur est également l’expression d’une douleur physique, mais aussi d’une émotion, qui certes diminuera en fréquence au fur et à mesure de l’avancée en âge, mais qui restera néanmoins présente dans l’enfance, l’adolescence, et à l’âge à l’adulte.


La composition chimique des larmes :

Prie de vue au microscope d’une larme provoqué par un oignon

Chez les animaux comme chez les humains, les larmes ont d’abord un rôle de protection de l’oeil, mais l’être humain a la particularité d’avoir développé au fur et à mesure de son évolution une connexion entre le système limbique et les glandes lacrymales, c’est ici que nait la particularité du pleur chez l’espèce humaine, et sa spécificité dans l’utilisation de ce phénomène.

Sur la photo ci-dessus, vous pouvez observer l’agrandissement d’une larme de  » protection  » résultant des émanations d’une pulpe d’oignon, vous pourrez constater la différence flagrante avec des larmes  » d’émotions  » sur les photos qui suivent :

Prise de vue au microscope d’une larme provoqué par une émotion positive ou négative

Prise de vue au microscope d’une larme lié à un souvenir

 

Si l’on ne connait pas tout sur le processus d’un pleur, nous savons aujourd’hui que les larmes d’émotions sont plus chargées en protéine, les pleurs d’émotions aideraient également le système nerveux à libérer différents antalgiques naturels, ce qui expliquerait également l’association du pleur avec la douleur, mais aussi la fatigue physique et mentale suivant  une crise de larmes.


Le rôle social et cognitif des larmes :

Illustration de “ pleureuses “ corses lors d’un enterrement

De tout temps et dans chaque culture, les pleurs ont toujours eu un rôle social important, surtout lors d’un deuil, ainsi on peut retrouver dans de nombreuses cultures des pleureuses et pleureur professionnels qui vont accompagner un enterrement, le fait d’engager ces pleureurs pouvait à la fois exprimer un rang social et un respect relatif à l’importance du défunt.

Comme je l’expliquais également dans l’introduction de cet article, les larmes ont également un rôle cognitif très important, y compris à l’âge adulte, ils sont un signal d’alerte immédiatement identifiable, chez les personnes vulnérables ( enfants, femme enceinte, personne blessée, personne âgée ) ils déclencheront en présence d’inconnues instantanément  une alerte.

Certaines études suggèrent également que le pleur serait un moyen visuel d’afficher une vulnérabilité voir une soumission uniquement identifiable par l’espèce humaine et non par ces prédateurs, un reste de nos lointains ancêtres, qui expliquerait la réticence chez certaines personnes ( les hommes en particulier ) de pleurer en présence d’autres personnes

Si le pleur est plus présent et accepté  dans la culture occidentale, ce processus reste présent dans toutes les cultures sans exception. Le pleur au même titre que le rire sont des codes du langage non verbal  universel et immédiatement identifiable chez l’espèce humaine.


Processus physique :

  • – le pleur est accompagné d’une contraction de la gorge appelée “ globe hystérique “ qui faciliterait le passage de l’oxygène du larynx aux poumons
  • – Les larmes d’émotions contiendraient des hormones de stress qui aideraient à évacuer les tensions nerveuses, mais également des endorphines de bien-être.
  • Ils libèrent également des hormones antalgiques

Mais il n’existe pas que des effets positifs, certaines études suggèrent que des pleurs trop fréquents peuvent également aggraver l’humeur, les pleurs ne sont donc pas une solution ultime pour réguler un état de stress émotionnel, le pleur fréquent pourrait également entrainer à terme une baisse de la testostérone.


Abréaction ;  remontée émotionnelle, et origine de l’utilisation en thérapie :

Nous sommes à la fin du 19ème siècle, Sigmund Freud pratique encore l’hypnose, il développe à cette époque avec Josef Breuer le concept d’abréaction, qu’il déclenche notamment avec l’hypnose.

Si cette décharge émotionnelle liée à un traumatisme n’est pas systématiquement associée aux larmes, une abréaction reste une libération émotionnelle qui n’aura pas pu s’exprimer en tant voulu.

Freud abandonnera avec le temps l’abréaction sous hypnose, n’y voyant plus une solution efficace et indispensable, pensant  également que l’utilisation cette technique risquait également de déplacer la problématique, il substituera cette technique à l’accouchement en douceur de la problématique par la parole à l’aide du développement de sa méthode psychanalytique.

Dans le langage courant de beaucoup de thérapeutes, l’abréaction est associée au pleur, ce qui n’est pas totalement vrai.


Alors faut-il pleurer lors d’une thérapie sous hypnose ?

Oui, non, ça dépend …

L’utilisation des larmes en hypnothérapie fait débat, certains hypnothérapeutes estiment qu’il est nécessaire de provoquer une abréaction et que des pleurs seront une nécessité pour un changement, et vont donc orienter la transe pour provoquer ce processus, d’autres pensent que ce n’est ni une nécessité ni une obligation.

 

Pour moi, il faut distinguer deux types de pleurs lors d’une séance d’hypnose :

 

  • – les pleurs lors de l’entretien ( hors transe hypnotique )  :

très courant et spontanée, l’entretien ou anamnèse est le moment ou la personne va expliquer sa problématique, évoquer ces sentiments et ses souffrances dans un état conscient provoquent très souvent une crise de larmes, souvent brève, l’évocation des sentiments négatifs ramène le sujet à sa demande et donc à sa souffrance, tous les éléments sont réunis pour provoquer le processus de pleur

Ce type de pleur est propre au mécanisme de crise de larmes comme décrit dans les paragraphes  précédents, spasme de sanglots, gorge nouée, écoulement nasal, ils sont classique et fréquents et sommes toutes assez normal à ce stade de la thérapie.

 

  • – Les larmes de la transe :

Il y a pour moi une différence évidente, les larmes de transes seront très souvent passives, le sujet en transe ne manifestera pas ou très rarement les spasmes et autres manifestations physiques qui accompagnent un pleur “ hors transe “.

Cela peut partiellement s’expliquer par une catalepsie du sujet, surtout s’il elle fut suggérée lors de l’induction par l’hypnotiseur.

La transe surtout s’il se situe à une profondeur “ correct “ est un état différent avec ses propres codes et manifestations, le pleur dans cet état a donc également ses propres codes, et sa propre résonance.


La permission de pleurer ?

 

 “ Et si durant cette transe hypnotique profonde, des larmes pouvaient aider à soulager votre souffrance, alors dans ce cas, mais UNIQUEMENT dans ce cas, votre inconscient pourrait tout à fait décider de déclencher des larmes qui aiderait à accéder à un sentiment très positif après cette séance  “

 

Voici le type de phrase que je peux utiliser en transe hypnotique, il s’agit très clairement de technique de permissivité propre à l’hypnose ericksonienne.

Milton Erickson maniait à merveille l’art de la permissivité ( et de la fausse permissivité ) , dans les nombreux éléments de langage qu’il inventé, mais également dans ses stratégies thérapeutiques.

 

C’est dans cet esprit que je vais proposer ( selon le cas et la personne que j’ai en face ) la possibilité de développer ces larmes durant certains exercices d’une séance d’hypnose, ce ne sera pas systématique, mais j’ai remarqué que lorsqu’elles sont utilisées au bon moment et lorsqu’elles sont nécessaires ( émotion et souffrance contenue ), elles peuvent aider à améliorer la qualité d’une séance d’hypnose.

Je pense que pour certaines personnes en grande tension nerveuse, par exemple pour un processus de deuil, mais également pour un passage ou un grand changement ( fin d’une addiction, d’un changement de vie ) les larmes peuvent venir marquer et aider le changement de façon positive.

C’est d’ailleurs un retour très fréquent de la part des personnes avec qui je travaille en hypnose et avec qui nous effectuons ce type d’exercice, la sortie de transe est très souvent  associée à un grand soulagement émotionnel, souvent verbalisé, avec le sentiment général d’avoir “ évacué “quelque chose.

Certaines personnes peuvent également avoir une amnésie de la crise de larmes, ou un doute en me demandant s’ils n’ont pas pleuré à certains moments de la séance.

Les larmes peuvent être également spontanées lors d’une transe, les sujets n’ont pas forcément l’explication après la séance sur les raisons ou le moment liés au pleur de la transe.


Les larmes sont un processus complexe et puissant, une thérapie est un contexte propice à provoquer ce moment d’émotion, ce sera également le moment si le cas se présente d’utiliser au mieux ce phénomène.

 

Olivier Peyrega,  hypnothérapeute (https://www.peyrega-hypnose-paris.fr).

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